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mercredi 28 novembre 2012

Carnet de Voyage - Le viol dans l'armée américaine

Les violences sexuelles dans l'armée américaine. Facteur endogène d'une institution ?






Jusqu’à récemment, il n’était pas possible d’avoir des statistiques sur les agressions sexuelles entre compagnons d’armes car l’armée ne cherchait pas à collecter ces informations. En terme de chiffre, les viols commis dans l’armée américaine sont peu connus. Néanmoins, en 2010 le département de la défense a publié son rapport mettant en exergue le fait qu’une femme était violée toutes les 3 heures.  On estime qu’environ 80 % des crimes ne sont pas dénoncés. Pourtant, l’estimation du nombre de viol est très importante : environ 500 000 femmes auraient été sexuellement agressées depuis leurs intégration dans l’armée. De même, 20% des vétérans femmes auraient été abusées en service. Comment expliquer un tel climat dans une institution pourtant si prestigieuse aux Etats-Unis ? 

D’une part, le passé des recrues est important : on compte que 15% d’entre eux ont tenté ou commis un viol avant d’entrer dans l’armée. Il y a donc dès l’entrée un climat de violence et de volonté de domination sur les femmes. On les considère comme un objet servant au désir de l’homme. Pourtant dans l’armée, la signification du viol change : plutôt que de comprendre le viol comme un acte sexuel de désir et de plaisir, il est compris comme un acte d’autorité (C’est pour cela qu’il concerne également un nombre important d’hommes). Dans Honor Betrayed, Sexual Abuse in America’s Military du docteur Mic Hunter, il met en exergue 7 raisons de la banalisation du viol : l’acceptation des violences interpersonnelles, l’existence de rôles genrés stéréotypés, le rejet du féminisme, la vision des femmes comme propriétés des hommes, des relations antagoniques entre femmes et hommes, une certaine attraction à l’agression sexuelle (Les femmes aiment «le sexe violent») et enfin, l’homophobie. 

Avec la reconnaissance publique du problème du viol dans l’armée américaine, il y a une diminution des recrues féminines pourtant qualifiées de meilleures pour l’armée. Les femmes victimes présentent des impacts psychologiques très importants : elles ont un taux plus élevé de trouble de stress post-traumatique que les soldats ayant participé à une guerre. Cela entraine des troubles du sommeil mais aussi des amnésies partielles, des sentiments de détresse intenses, un comportement nuisible pour la victime elle-même (tentatives de suicide...)...
Comme le souligne le documentaire The Invisible War, un autre réel traumatisme pour ces femmes en dehors de l’acte même est le manque de reconnaissance de la part d’une institution qu’elles percevaient comme sécuritaire, qui pouvait même être devenue une autre famille. Cette conception amène le viol comme une sorte d’inceste qui touche la partie la plus profonde de l’être, ce qui le rend d’autant plus dur à surmonter. En effet, la victime subie un deuxième assaut : elle a été trahie par des camarades ou des supérieurs. En plus de cela, le manque de reconnaissance ressentie du fait que leur agresseur est protégé, parfois même promu apparait comme fondamentalement  injuste. Si sanction il y a, elle est très légère comme des peines de quelques jours d’exclusion de la base ou des travaux d’intérêt généraux. Cela fait passer le message suivant : l’individu, sa souffrance et sa peine en tant que tels n’ont pas d’importance. C’est la réputation du bourreau et de l’armée qui est en jeu et qui a plus d’importance que la victime. 

La loi du silence dans l’armée américaine s’explique d’après différentes raisons. D’une part, les femmes ayant subi un viol doivent le reporter à leurs commandants. Or il faut ici souligner les problèmes que cela peut engendrer. Contrairement au milieu civil où l’agression est signalée à la police qui est un organisme extérieure à la victime et qui n’a aucun intérêt particulier dans l’affaire, dans l’armée, la victime doit rendre compte du viol à son supérieur hiérarchique. La dénonciation du crime reste dans le milieu ou celui-ci a été commis. Il faut noter ici que 33% des femmes qui n’ont pas signalé une agression avaient pour raison le fait que le violeur était un ami du commandant. De même pour 25% d’entre elles, l’agresseur même était le commandant. L’armée est un milieu particulier qui renferme ses propres freins : elle devrait à la place faire appel à une juridiction extérieure ce qui serait d’une plus grande aide pour ces femmes. D’autre part, les commandants ne donnent parfois pas de suite aux plaintes car cela signifie un réel échec : ils ne sont pas en mesure de diriger leurs troupes et cela peut affecter leurs carrières. Ainsi, la chaîne de commande de l’armée américaine est une des raisons pour laquelle les viols sont si peu reportés : ils ne sont pas entendus. 

Sources : 
The Invisible War de Kirby Dick 
Honor Betrayed Sexual Abuse in America Military - Dr. Mic Hunter

Pauline Fognini

dimanche 11 novembre 2012

Carnet de Voyage - L'homoparentalité au Québec


L’homoparentalité au Québec




Le Québec a toujours été avant-gardiste concernant les mesures touchant les homosexuels : ainsi dès 1977, il intégrait dans la Charte des droits et Liberté de la Personne l’interdiction de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Dans cette province, l’homoparentalité est une réalité dans les textes législatifs depuis 2002. Après un combat de plusieurs années par diverses associations, la principale étant l’Association des Mères Lesbiennes (AML), les couples homosexuels ont eu gain de cause. Le constat était le suivant : il ne s’agissait pas d’autoriser l’homoparentalité car elle existait déjà par des moyens détournés mais de donner des droits aux enfants issus de ces couples. En effet, seul le parent biologique était responsable légalement de l’enfant et s’il venait à décéder, par exemple, l’autre parent ne pouvait avoir de droit sur l’enfant. Il faut tout de même noter ici que cette mesure a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Cette mesure est donc venue non pas pour les couples homosexuels mais bien pour leurs enfants. La légalisation  du mariage homosexuel s’est faite à peine deux ans plus tard en 2004.

Du fait de la relative jeunesse du mouvement, les études statistiques n’ont pas été nombreuses entre les années 80 et 2000 (Moins de 0,01% des études concernant les réalités familiales concernait les familles homoparentales).
Naturellement, les oppositions à l’adoption homosexuel existaient et se basaient principalement sur : la capacité des homosexuels à être de bons parents,  le développement psychosocial de l’enfant qui serait anormal, ou encore des troubles de l’identité sexuelle de l’enfant et à terme une plus grande probabilité pour celui-ci d’être lui-même homosexuel. 
Il faut comprendre que l’homosexualité n’est pas un désordre psychologique ou une pathologie, constat qui n’est pas toujours acquis, et qu’ainsi même si ces personnes sont davantage soumises à des discriminations ou à de la violence symbolique, être homosexuel n’affecte pas en soi la santé psychologique de l’individu. Les études ont montré qu’il n’y a aucune différence entre les divers modes d’éducation et a invalidé ces craintes. De même, elles ont prouvé qu’il n’y avait aucune différence concernant les problèmes psychiatriques des enfants issus de couple hétérosexuel ou non. Par exemple, il a été démontré que les enfants de mères lesbiennes ont peut-être plus de troubles d’anxiété que les autres mais qu’au contraire, leur niveau de bien-être est supérieur.
Toutes les craintes concernant les enfants d’homosexuels sont sans fondement réel car à chaque fois contrées par des études qui sont faites sur le long terme. (Pour plus de détail, voir le texte Trois générations de recherches empiriques sur les mères lesbiennes, les pères gais et leurs enfants de Danielle Julien)

Dès lors, pourquoi le débat en France sur le mariage homosexuel semble t-il s’enliser ? Cela pourrait s’expliquer par de nombreux facteurs qui se recoupent : d’une part, il y  a une véritable méconnaissance de la réalité homosexuelle car elle reste cachée, encore trop stigmatisée et refoulée par une certaine hétéronormativité. Il y a également une importante culture religieuse, notamment catholique, qui a inscrit dans les normes l’idée que le mariage, tout comme avoir un enfant, se fait uniquement entre une femme et un homme, ce qui suppose une homophobie latente dans la société. 

Il y aurait actuellement entre 40 000 et 300 000 enfants (Grande fourchette de statistique) vivant dans des familles homoparentales en France et ce serait tout comme au Québec leurs assurer l’égalité et les mêmes droits pour tous. 

Pauline Fognini